A Belgrade il y a des gens qui vendent des fleurs dans la rue, sous la neige.
Arrivée cocasse. Douanier le plus méprisant possible (à 9h du matin on ne peut pourtant pas dire qu’il soit épuisé après une journée de travail). Puis taxi fou. Pas un mot, il préfère hurler dans son téléphone tout en conduisant n’importe comment, avec une prédilection pour les changements de voies de dernière minute (de dernière seconde devrais-je dire), faisant fi des zebras, des clignotants et des autres conducteurs. Aurélien, chanceux, a hérité de l’unique ceinture de sécurité fonctionnelle. Taxi sale avec le coffre a moitié plein avant même que tu n’y déposes ton sac, bords de routes dégueulasses, trafic à l’arrache, banlieues miteuses… ça sent les Balkans à plein nez, ça fourmille de vie. Je suis heureuse de revenir.
La vue de notre chambre est incroyable, on voit jusqu’au Danube.
Ce matin, il neige. Je regarde les flocons légers et irréguliers s’échouer sur le cheval et son cavalier en bronze sur la place de la République.
Hier soir nous avons été surpris par la vie nocturne belgradoise. Cueillis avant même que la nuit ne tombe, par une cacophonie envoûtante, nous avons poussé la porte du « Beer Code ». Nuage de fumée épais comme de la barbe à papa, ambiance aussi chaleureuse qu’il fait froid dehors, bière à tomber et un super groupe. Deux musiciens et un chanteur, sortis tout droit d’un film de Kusturica, mettent une ambiance folle. Tout le bar est debout, dansant, tapant des mains, du pied, hochant la tête en rythme, penchant dangereusement son verre, fumant clope sur clope et reprenant à tue tête les refrains entrainant de chansons serbes, visiblement très populaires.
On se sent bien ici. Surtout après trois pintes et trois verres de rakija (ракија). Il fait chaud, la musique est bonne, l’ambiance et l’alcool aussi. Mais il fait faim.
On file au Pomodoro, un restaurant recommandé par le ranger Zdravko, rencontré lors de notre 1er voyage en septembre dernier. C’est pas mal, un bon resto italien… mais du coup pas très typique !
De ce que l’on a vu, Belgrade est une ville à l’architecture schizophrène. Il semblerait que pas un immeuble ne ressemble à son voisin. Certains sont flambant neufs : parois de verre immaculées, d’autres affichent des sculptures en pierre ou des portes en bois splendides (conseil : pensez à lever la tête quand vous déambulez dans les rues), il y en a quelques uns colorés et ornés comme des choux à la crème, il y en a une bonne quantité, noirs de pollution et d’histoire, en partie ou complètement défoncés et enfin au milieu : quelques barres grises et tristes au parfum d’un communisme pas si lointain.
Et puis il y a les chiens. Moins nombreux qu’à la campagne mais toujours errants, le poil épais et le pas nonchalant. Il y a aussi les kiosques de rue qui vendent du popcorn, les gens qui fument, partout, tout le temps, les cireurs de chaussures sur les trottoirs… Et puis quelque chose que j’aime beaucoup, à la place du sucre avec le thé, un petit sachet de miel.
Aujourd’hui, on a flâné dans le parc de la forteresse, le parc Kalemegdan, dominant la ville, la Save et le Danube. Београдска тврђава : la forteresse de Belgrade, construite au début du 1er siècle, fut un camp romain fortifié, un château byzantin, la capitale du despota de Serbie, puis sous tutelle autrichienne, et enfin de nouveau serbe.
C’est beau, c’est grand, c’est venteux. Je me réchauffe en mangeant une glace dans la rue. Ça ne marche pas. On finit dans un café devant une soupe, chaude, à défaut d’être bonne.
Soirée calme à l’hôtel, devant « Goodbye Lénine », un film plutôt en adéquation avec ce voyage.
Le lendemain, j’ai eu la bonne idée de réserver un tour de la ville avec Yugo Tour. On a pas l’habitude de booker des tours, mais c’est pourtant un très bon moyen de découvrir un nouveau lieu. Quatre heures à sillonner la ville dans une « Yugo » voiture de fabrication yougoslave, datant des années 70, avec au volant Slobodan, notre guide.
On fait le tour des lieux emblématiques avec comme thématique « Rise and fall of Yugoslavia ». Un premier arrêt sur un ancien site d’exposition, dans le quartier de Staro Sajmiste, transformé pendant la seconde Guerre Mondiale en camp d’extermination, de concentration et de transit. La quasi totalité de la population juive de Belgrade y a disparue. Ce camp n’était pas le seul à Belgrade, mais le plus central et la population entendait les hurlements résonner à travers une bonne partie de la ville. Histoire de terroriser d’avantage ceux qui auraient des velléités d’opposition, un camion à gaz transportait les prisonniers, tout en les gazant, a travers la ville pour les acheminer vers des fosses communes.
Ironie du sort, maintenant abandonnés, les bâtiments ont été réinvestis par des Roms, qui vivent sur le lieu même où leurs ancêtres ont tant souffert.
On poursuit en direction du Palace of Serbia, un énorme bâtiment qui fut parait-il d’un blanc étincelant. Abritant les membres du gouvernement de la République de Yougoslavie, avec 6 salons, un pour chaque république : Slovénie, Croatie, Serbie, Bosnie-Herzégovine, Monténégro et Macédoine, il est désormais quasi vide. Architecture à la fois communiste et moderniste, pour le « show off » comme dit Slobodan (pour en mettre plein la vue). Ce bâtiment devait impressionner les chefs d’états étrangers en visite à Belgrade et vue la taille du parvis et donc du tapis rouge (forcement rouge) déroulé pour l’occasion, ça devait vous laisser pantois.
On poursuit à travers l’histoire architecturale de la ville et on découvre quelques célèbres bâtiments du mouvement « brutalisme ». Un mouvement architectural qui a fait des émules à l’international, dont en France avec notamment certains projets du Corbusier. Des bâtiments, qui sans explications auraient tendance à nous sembler bien laids… Mais quelques détails les rendent d’un coup passionnants. Comme la tour Genex (à droite des bureaux à l’abandon, à gauche des appartements toujours habités et en haut un restaurant supposé tournant, dont le mécanisme a été volé avant même qu’il ne soit installé), l’hôtel Yougoslavia, hôtel de luxe ayant reçu la reine Elizabeth II, Buzz Aldrin… Tombé en décrépitude à la mort de Tito, le rez de chaussé à été revendu à des criminels locaux et a servi de repaire à Arkan (criminel et chef de guerre à temps plein) pendant la guerre de Bosnie.
On enchaine avec une petite visite de l’immense centre des congrès « Sava Center » qui a accueilli une des première conférence du mouvement des non alignés en 1961 avec 24 pays. – Mouvement né durant la guerre froide, regroupant les États alignés ni sur le bloc de l’Est ni sur le bloc de l’Ouest. –
On termine la balade par une visite du musée d’histoire de la Yougoslavie, un salut à la tombe de Tito et un dernier regard sur 60 ans d’histoire plus que mouvementée.
Au passage les restes des bombardements par l’OTAN en 1999… (suite à la guerre du Kosovo).
Petit clin d’œil au communisme de Tito, souvent appelé « communisme coca cola », pour son ouverture vers l’ouest.
Dernier resto, demain retour à Genève.
On quitte Belgrade sous la neige.
Il m’aura fallu un peu de temps pour vraiment apprécier la capitale serbe, mais ça en valait la peine ! On ne tombe pas amoureux de Belgrade en un jour…
Elle a l’air d’être une ville vraiment authentique et unique. Tu m’as donné envie d’y aller !
Authentique oui c’est le mot ! 🙂 Super si je t’ai donné envie d’y aller !